#103 - Le Bad des déglingués
Certes, comme le poétise Ronsard : «Je n’ai plus que les os, un squelette je semble, / Décharné, dénervé, démusclé, dépulpé» [1], et pourtant, grand échalas dégingandé, désarticulé, tout déglingué, je bademintonne dans un réjouissant cliquetis. Et, dans cette danse endiablée mes os de pantin désarticulé s’entrechoquent, provoquant l’hilarité.
Certes j’ai les « yeux cavés » (François Villon [2] ), les «bras grêles» et j’ai «quitté ma chemise de peau», mais je n’ai « plus de panse » et «peu[x] cabrioler» à l'envie. Dans la lune blafarde, je bondit, «grand squelette fou / Emporté par l’élan, comme un cheval se cabre […] / Et, comme un baladin [je] rebondit dans le bal au chant des ossements» (Arthur Rimbaud [3]).
J’ai perdu de ma superbe, mais je n’ai plus la chair de poule, mêm' pas peur !
Et dans la nuit spectrale, je m’en vais « bader au Tournoi de l’Horreur » !
Tremblez pauvres mortels, La Camarde [4] est en balade. «[Mes] mains aux doigts osseux sort[ent] du noir grabats»…
Certes, j’ai troqué ma faux pour une modeste raquette, mais je m’en vais «aller à grand pas moissonnant et fauchant / Noir squelette laissant passer le crépuscule». Face à moi vous ne serez qu’«un troupeau frissonnant qui dans l’ombre s’enfuit» (Victor Hugo [5]) !
«De tout l’effort de [mes] vertèbres / Ou de [mes] muscles dépouillés» (Baudelaire [6]), je labourerai vos défroques charnelles. Aussi, avant de m’affronter, prenez soin de bien numéroter vos os [7]), vous en aurez besoin pour, la partie finie, vainement tenter de rassembler vos abatis !
Et, une fois mon œuvre achevée, quand, au «crépuscule du matin», l’aurore poindra, je rejoindrai ma «fosse profonde», reposer ma «carcasse immonde» [8] !
Avec mes plus profonds remerciements à Maxime Fontaine pour m'avoir extirpé de mon Néant, le temps d’un tournoi !
Et le bonjour d'Anatole ! [9]
À découvrir les deux précédentes affiches du Tournoi de l'Horreur :
#42 - Sang pour Sang Bad !
#76 - Une affiche à tourner de l'œil
[1] Ronsard, «Je n’ai plus que les os», in Les Derniers vers de Pierre de Ronsard, Lyon, Jean Pillehotte, 1586.
[2] François Villon, «Ballade des pendus». Voir l’une de ses premières publications, alors intitulée «L’Épitaphe, en forme de ballade», in P. L. Jacob, Œuvres complètes de François Villon, Paris, P. Jannet, 1854, p. 201.
[3] Arthur Rimbaud, «Le Bal des pendus», in Poésies complètes, avec préface de Paul Verlaine, Paris, Léon Vanier, 1895, pp. 54-56.
[4] «La Camarde est une figuration squelettique de la Mort. Son nom est dérivé de l'adjectif “camard” qui signifie : “qui a le nez plat” comme le crâne de la Mort. La Camarde représente donc symboliquement la mort. On retrouve l'expression autant dans des romans policiers que dans des écrits scientifiques.» Voir «Camarde (La)», site Encyclopédie de la Mort.
[5] Victor Hugo, «Mors», in Gustave Lanson (sous la direction de), Les Grand écrivains de la France. Victor Hugo : Les Contemplations, Tome 2, Paris, Hachette, 1922, p. 414
[6] Charles Baudelaire, «Le squelette laboureur», in Les Fleurs du mal, Paris, Poulet-Malassis et De Broise, 1861, p. 219.
[7] «Numéroter ses os. Se dit pour appuyer énergiquement la menace d'une volée de coups. – Numérote tes os, que je te démolisse». Lucien Rigaud, Dictionnaire du jargon parisien. L'Argot ancien et l'argot moderne, Paris, Paul Ollendorff Éditeur, 1878, p. 235.
[8] Charles Baudelaire, «Le mort joyeux», in Les Fleurs du mal, Paris, Poulet-Malassis et De Broise, 1857, p. 166.
[9] Prénom fréquemment donné aux squelettes présents dans les salles d'anatomie. Surnom peut-être emprunté au célèbre bourreau Anatole Deibler (1862-1939) (quelques 300 décapitations à son actif), grand fournisseur de squelettes ! Voir le site Le Guichet du Savoir.