#11 : Old badists et tatouages
De toute évidence c’est une affiche hautement testostéronée que celle de ce Championnat De France 2014 !
Un portrait en buste de deux farouches locaux qui n’ont pas l’air du tout commodes.
Couple de Chalonnais accroc à la fonte qui attend, sans broncher, la venue des adversaires.
Couple de Chalonnais accroc à la fonte qui attend, sans broncher, la venue des adversaires.
Guère d’affection dans ce duo de méchants, si ce n’est une dédicace à « mémé ». Inscription emplie de tendresse, tatouée sur le biceps hypertrophié du maousse-costaud. Un dur-à-cuire au cœur d’artichaut…
Quant à la balèze, qui tire la gueule, on a du mal à déceler quelque signe de féminité.
Équipée de deux protubérances pectoralisées, aux allures de cuirasse, elle a tout l’air d’une mégère, estampillée années 50, d'une Lucienne, affublée d’une robe à collerette et petits volants. Les épineuses couettes qui ornent l’acariâtre ne sont pas sans rappeler le casque ailé d’un célèbre Gaulois réfractaire, toujours prêt à balancer une bonne claquasse à l’impudent qui d’aventure le contrarierait !
Pour tout dire, à la vue de la circonférence des brandillons des deux malabars, on a plutôt l’impression d’être face à un duo de rugbymen, dont le plus « fluet » se serait travesti en harpie…
Le porteur d’épaisses bacchantes, dites « en guidon », signe d’une virilité guerrière affirmée, possède de toute évidence les trapèzes d’un robuste 1ère ligne, plus enclin à rentrer dans le lard qu’à jouer en finesse (ce qui n’exclut pas toute roublardise) !
Dans leurs paluches, les raquettes deviennent des instruments menaçants, et l’on s’attend plus, de la part de ces virilités gonflées, à une bastonnade qu’à un jeu toute en subtilité.
Deux badistes « old school » (comme indiqué dans une bulle), donc de la vieille école... Sans doute celle de la castagne. Des vrais de vrais, des purs jus, élevés à la sportive, avant de partir écumer l’Hexagone. Des baroudeurs qui ont roulé leur bosse et se sont fait « brodancher la couenne », inscrivant dans leur derme les marques d’un parcours chaotique.
Une collection d’inscriptions dermographiques parsème, en effet, leurs corps-parchemins.
Non pas des Tatoo travaillés, mais des graffitis dermiques de facture grossière, pauvres en imagination. Ce que les bagnards appelaient des « bouzilles » (donc qui abîment irrémédiablement).
Outre, le tatouage sentimental, le pathétique « Je t’aime mémé » (et un imperceptible « Je t’aime papa » surmonté d’un cœur, au poignet de la donzelle qui trimballe sa raquette tel un gourdin), le regard du criminologue relèvera :
- une marque d’appartenance, incrustée dans le poignet droit du moustachu. Signe d’allégeance et d’attachement indéfectible au « CSBC », le sigle du gang organisateur, une association de badistes Chalonnais. Des purs et durs ;
- des têtes de mort, accompagnées de fémurs croisés, porteuses d’un message sans équivoque. Ces Memento mori (« Souviens-toi que tu vas mourir ») rappellent à tous l’humaine finitude. Un fort mauvais présage !
- enfin, des inscriptions « dédicatoires » à une cause intemporelle, dans une langue étrangère : «Bad for ever», pour l’un, et « In Bad for trust », pour l’une…
Cette exhibition de « cicatrices dermographiques » sonne comme une mise en garde. Il conviendra de ne pas trop titiller les deux énergumènes. Une équipe, sans nul doute, sortie des bas-fonds du badminton aimant le grabuge !
Pourtant, à bien y regarder, nos lascars ont plutôt l’air de bons bougres surjouant les fiers-à-bras. Ce ne sont pas des « zéphirs », ces militaires disciplinaires, envoyés purger leurs peines dans les Bataillons d’Afrique, à Biribi, et qui en revenaient « illustrés » du crâne jusqu’aux doigts de pieds ! De toute évidence, nos deux « bourrins », aux maillots arlequins, ne se sont pas fait vraiment « broder le cuir », ce sont des faux durs dont les « tatouages» ont été réalisés à la va-vite, au stylo à bille grasse et, pour certains, peut-être même ne sont que des décalcomanies de piètre qualité !
Compléments bibliographiques à usage de ceux/celles qui s’intéresseraient aux tatouages des durs à cuire :
- Jean Graven, L’Argot et le tatouage des criminels, Neuchâtel, Éditions de La Baconnière, 1962.
- William Garuchet, Bas-fonds du crime et tatouages, Monaco, Éditions de Rocher, 1981.
- Et, trois ouvrages récents de Jérôme Pierrat et Eric Guillon : Les Vrais, les durs, les tatoués. Le tatouage à Biribi (Editions Larivière. 2005) - Mauvais garçons. Portraits de tatoués 1890-1930 (La Manufacture des Livres, 2013) et Marins tatoués (La Manufacture des Livres, 2018).
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