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    Tournoi pas cher, pas cher ! 1 € ! 1 Jour !
    Une affiche attachante, signée Delphine Jolivald (graphiste, styliste et joueuse de bad). Création tout aussi attractive que ce tournoi sans prix, annoncé par un couple de volants « heuros » !
    « Récompenses : Néant » – dixit la plaquette de présentation. Le plaisir de jouer, d'échanger, comme unique et ultime gratification ! Vaincre pour rien, si ce n'est pour la gloire !
    Sans doute le tournoi privé le plus économique de l’Hexagone (et, peut-être, de l’univers bad) !
    Initiative qui tranche résolument, en prenant volontairement le contre-pied d'une tendance à la hausse des frais d'inscription, des tarifs qui deviennent prohibitifs pour les badistes sans-le-sou (ou crispants pour les Picsous, les « près-de-ses-sous » !).
    Une politique d'ouverture et de démocratisation du bad à mettre sur le compte du club Héraultais de Lunel, le BCL-34 !
 
Delphine Jolivald - Badminton Club de Lunel Tournoi 1 euros
Le Tournoi à 1 € - BCL - Lunel (34) – 2017 - © Delphine Jolivald

 

    La pratique du badminton est, en effet, coûteuse, si ce n’est onéreuse, et occasionne des dépenses difficiles à supporter pour nombre d'affamés de compétition, notamment les « jeunes » (dont les étudiants), qui, désireux de progresser, ont besoin de s’engager très régulièrement dans des tournois (et souvent dans des tournois adultes, aux frais d'inscription nettement plus élevés !).

    Or, force est de constater que depuis 2018, lorsque la FFBad a imposé à tous les clubs organisateurs de régler une dite « participation fédérale » de 2 euros par joueur inscrit, les prix des tournois adultes ont fait un bond, d’au minimum… 2 euros !

    Le « Tournoi à 1 € » est d’ailleurs passé à 3… même s’il a gardé l'appellation d’origine qui fait sa « fortune », puisque chaque année il connaît un franc succès !
    La FFbad, sous l’impulsion de son nouveau président, a alors réalisé, et réussi, une sorte de braquage institutionnel, profitant de l’engouement d’un public captif pour mettre en place ce que beaucoup de joueurs, de bénévoles et des présidents de club, ont vécu comme une sacrée entourloupe, voire une filouterie, pour ne pas dire une « escroquerie ».
     « L’instance organisatrice », de fait les bénévoles (ceux et celles qui font tourner la boutique) font, depuis, office de prévôts, chargés de prélever et de « collecter » cette dîme (sorte de droit d’inscription seigneurial), avant de la « reverser » aux instances fédérales sous peine de ne plus être autorisés à organiser de tournoi estampillés FFBad (une manière de couper les vivres à ceux qui ne seraient pas d'accord).
    À ma connaissance, la FFBad est la seule Fédération olympique à avoir instauré un tel « prélèvement indirect », une « taxe »… ponctionnée sur les badistes les plus investis, les compétiteurs !

 

Delphine Jolivald - Badminton Club de Lunel Tournoi 1 euros
BCL34, 2018 - © Delphine Jolivald
    La FFbad n’est toutefois pas seule responsable de cette augmentation. Nombre de clubs (et pas nécessairement les plus gros) semblent, en effet, se livrer à une sorte de course aux récompenses, dans le but d’attirer, d'affriander, les compétiteurs galonnés, les classés N qui permettront à leur tournoi d’être côté ! et par ricochet d’amener les badistes lambda, en recherche de points (mais aussi de tournois prestigieux, voire huppés), à leur emboîter le pas.
 
    Les paniers sont donc de plus en plus garnis et les « enveloppes » distribuées aux vainqueurs souvent conséquentes, surtout celles attribuées au Top du top, aux séries regroupant les gros classements. Les organisateurs en font d’ailleurs un argument publicitaire et l’annoncent sur leurs affiches : « Plus de 2000 € de cadeaux ! », « 4000 € de casch et de bons d’achats », « 5000 € de récompenses » ! Qui dit mieux ! Une pluie de biftons !
    Mais qui paie au final (en grande partie) ces « cadeaux » (dont bénéficient, dans certains cas, des joueurs « invités » qui, eux, n'ont rien déboursé), sinon la masse des sans grades, des P, des N-C, des petits D. Car, même si partenaires, équipementiers attitrés, commerçants locaux, municipalités, y vont de leurs dotations, cela ne suffit pas à remplir des enveloppes bien rembourrées.
    Le badiste de base, celui qui évolue dans les basses séries, paie pour les cadors. Car il y a une hiérarchisation des récompenses, d’ailleurs totalement acceptée et perçue comme allant-de-soi, qui « logiquement » gratifie et rémunère davantage les « meilleurs » des meilleurs. Comme pour compenser les efforts et les sacrifices financiers consentis par les champions (ou leurs parents) pour monter progressivement dans les classements… Une sorte de retour sur investissement...
    À se demander si seul l’attrait du « CASH » (comme le mentionne en lettres capitales quelques clubs) ne motive pas certains compétiteurs/compétitrices. Le bad comme travail rémunéré ? Comme moyen d’arrondir ses fins de mois, en empochant une prime ?
    L’appât d’un gain, la fringale de gros lots, d'incitation à s'inscrire, devient une des motivations, des raisons à s’inscrire, et une attente de compétiteurs qui ne luttent plus pour des coupes ou de symboliques breloques, encore moins pour une couronne de lauriers !, mais pour se voir offrir des boîtes de volants, des bons d’achats, des chèques ou du liquide : les miroitants « Casch price » !
Delphine Jolivald - Badminton Club de Lunel Tournoi 1 euros
BCL34 - Tournoi à 1 € - 2022 - © Delphine Jolivald

    Car les badistes ont aussi leur part de responsabilité lorsqu’ils boudent les « petits » tournois moins chers - des tournois du pauvre ? -, s’en détournent, au profit de tournois perçus plus luxueux et glorifiants ! Des tournois, qui, parfois, ne leur en donnent même pas pour leur argent, ne proposant que des poules de 3 avec un seul sortant ! Deux petits matchs et puis s’en vont ! Certains arguant que c’est là la « dure » loi du sport… alors que c’est celle d’une économie dans laquelle le client est pris pour une vache à lait.

    Certes le bad semble s’ouvrir à la masse. Les scolaires qui ne paient qu’une vingtaine-trentaine d’euros l’adhésion à l’AS de leur établissement (licence, entraînements et compétitions inclues, depuis celles de districts jusqu’au Championnat de France UNSS, pour les plus performants), étaient pratiquement 400 000 licenciés en 2019-2020 [1] !

    Mais, qu’en est-il de la bigarrure sociale de cette masse dans le milieu fédéral ? Combien sont-ils à franchir le pas et à pouvoir emprunter jusqu’au bout les « passerelles » mises en place. Combien sont-ils à disposer des moyens financiers pour s’engager résolument dans les compétitions fédérales ? Combien ne peuvent plus suivre et poursuivre le bad, abandonnent, ou lèvent le pied, pour raison financière ?
    Comment espérer ouvrir largement le badminton aux « défavorisés économiques », lorsque les prix des tournois flirtent allégrement avec les 18, 20, voire 25 euros ! (somme à laquelle il convient d’ajouter, faut-il le rappeler, le prix des volants et du déplacement, voire d’un hébergement…).

    Si, notamment, les prix des tournois ne baissent pas significativement, s'ils ne ne chutent pas, le public du badminton restera un public fortement trié sur le portefeuille !

    Difficile alors d’envisager une réelle démocratisation du bad et d’ouvrir au plus grand nombre une discipline enseignée dans quasiment tous les collèges… excepté en suivant l’exemple du BCL-34 !
    Pas de récompenses (« néant »), seul le plaisir de concourir, éventuellement de gagner, et un tarif dégringolé (plus bas tu peux pas !), pour ne laisser personne au bord du court.
    Un tournoi sans prix à préférer aux tournois hors de prix !

(À lire, de Yves Le Pogam, Démocratisation du sport : Mythe ou réalité ?, publié en 1995 aux Éditions Universitaires, collection « Corps et Culture).

Accéder à la Galerie de Delphine Jolivald, en cliquant Ici.

 

Delphine Jolivald - Badminton Club de Lunel Tournoi 1 euros
BCL34 - Tournoi à 1 € - 2023 - © Delphine Jolivald

 

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