#25 : Tétine Man & Papy Moustache
Une ondoyante ondulation pour rapprocher, le temps d’un Championnat, des Jeunes et des Vétérans dont les représentants s’affichent dans deux cercles presque jumeaux [1]. Deux ronds, dont un certes un peu aplatit, qui semblent former une paire de bésicles, calées sur un & faisant office de nez et de support.
À gauche l’archétype du Jeune, une têt’ de mioche légèrement ovalisée, un chiard sans doute encore abonné aux couches-culottes. La frimousse joviale d’un n’a-que-deux-dents qui vient de tout juste lâcher sa tototte. Peut-être un fan de Tétine Man [qui] n’a peur de rien… et surtout pas de jouer au bad ! [2]
À droite un Papy Moustache, à la trombine surannée de rond-de-cuir, un aïeul, que l’on espère non-équipé d’un slip absorbant (ou plus prosaïquement d’une couche d’incontinence), mais peut-être à la vessie déjà hyperactive (symptôme de pollakiurie) !
Un vétéran plutôt démodé, un ringard qui, avec ses lunettes rondes, sa moustache en guidon (style Belle époque) et une barbichette de biquette, ressemble plus à un employé de bureau binoclard, à un gratte-papier des années 1900 (tel que dépeint par Courteline), qu’à un badiste encore vert…
Les trois poils au menton, substitut d’une impeccable calvitie, font écho à l’indiscipliné épi du joyeux bambin. La pilosité s’est comme inversée, glissant de la houppette de l’imberbe moutard au menton d’un ancien qui arbore un caillou aussi poli qu’une boule de billard [3].
Le large sourire du moutard, signe d’une expansive gaité, s’est transformé en une paire de bacchantes qui a toutefois perdu de sa superbe, n’a plus rien de conquérante et donne à ce vétéran l’impression de tirer la gueule. Plutôt bougon-grognon, style scrogneugneu [4], que vieux briscard multi-chevronné portant encore beau [5].
Les yeux ronds comme des billes du Toto rigolard ont fait place à une paire de lorgnons surplombés par deux rangées de sourcils convexes, soulignant une vaine tentative d'y voir plus net par écarquillement des quinquets (les yeux dans l'argot du XIXème). Donc, un vétéran complètement miro et pas très rigolo.
D’un côté, l’ingénue et franche rigolade d’un insouciant marmot, de l’autre la face maussade d’un fonctionnaire scribouillard...
Soit un écart abyssal, entre deux figures quasi antithétiques, bornant un commencement et un épilogue. Les deux extrémités d’une (longue) carrière de badiste, depuis ses balbutiements à ses ultimes chevrotements ? Une entame et un aboutissement. Premiers envols et derniers tours de piste.
Deux antipodes qui pourtant finiront par se rejoindre… La figure juvénile à force de raquetter ferme sur fond d’aplat bleu (les deux raquettes emboîtées faisant office de pagaie ?) finira fatalement par rattraper et prendre la place d’un vétéran dès lors mis au rancart et définitivement rangé des raquettes !
L’écriture sinusoïdale, positionne ainsi les JEUNES au top d’une déferlante, sur la crête de la vague, tandis que les VÉTÉRANS sont remisés à son creux, comme au bout du bout du rouleau [6]… Tandis que les jeunots s’apprêtent à amorcer un take-off et à « envoyer du lourd », les anciens, eux, se trouvent en bien fâcheuse posture… dans la position de celui qui va se faire malmener par le shore-break, se prendre un gros bouillon, au risque de s’échouer, totalement exsangue…
En forçant outrancièrement la caricature, cette affiche distend à tel point les extrêmes que l’on s’attend à la mise en place de séries de baby-bad, pour mioches en voie d’éclosion, et de papy-bad, pour survivants d’un siècle révolu, en voie de disparition…
NOTES
[1] « J’ai les pieds jumeaux. Ils sont identiques à part le pied droit »… Réplique culte de l’inspecteur Richard Bulitt (Kad Merad) dans la comédie policière Mais qui a tué Pamela Rose ? (2013).
[2] Titre du Tome 3 des aventures de Tétine Man, le héros à tétine des 3-6 ans, créé en 2010 par Christophe Nicolas et Guillaume Long, Éditions Didier Jeunesse.
[3] Un « Caillou » étant en langage imagé une tête et plus particulièrement un crâne chauve.
L’expression « arborer un genou » (aujourd’hui fort peu usitée) signifiant, en argot, être chauve…
[4] Une interjection qui puise sa source dans le livre de Gustave Frison, Les Aventures du colonel Ronchonot (publié en 1884) et qui est une altération euphémisée du juron « sacré nom de Dieu » ! Une manière d’éviter de blasphémer ! Sacrégnongnieu
[5] « Dans l'argot des soldats de l'époque napoléonienne, la brisque correspondait au chevron, un galon en forme de V, cousu sur la manche de l'uniforme d'un soldat qui se réengage. Celui qui arborait plusieurs brisques sur sa manche était donc un soldat chevronné, un vieux briscard. » Cf. ICI.
Quant à l’expression « porter beau », elle dénote, dans ce contexte, une apparence élégante, une prestance, malgré un âge avancé.
[6] L’expression « être au bout du rouleau » puise son origine dans l’univers du théâtre où, avant que le livre ne soit inventé, les acteurs apprenaient leurs répliques sur des feuilles collées bout-à-bout et enroulées sur un « rollet » (sorte de bâton d’ivoire ou de buis). Celui qui n’avait qu’un petit rôle, arrivait rapidement « au bout du rollet » (et ne savait donc plus quoi faire). « Quelques années plus tard [est] apparu le fameux “rouleau”, qui se voulait être le diminutif de “rôle de papier ” pour désigner les rouleaux de papier utilisés à la banque et qui servaient déjà à l’époque à ranger les pièces de monnaie. Être au bout du rouleau signifiait donc ne plus avoir de ressources, après avoir utilisé toutes ses pièces. Au fil du temps, le sens de la métaphore est resté le même mais il s’est étendu à tout type de ressources, et plus particulièrement au sentiment de faiblesse physique ou morale que l’on peut connaître parfois. » Cf. ICI.