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« Jingle bells, jingle bells
Jingle all the way
»
 

 

    Une délicieuse affiche réalisée par Marie Guillot-Lamborot pour illustrer un tournoi au titre retentissant (et particulièrement bien trouvé), organisé par le Badminton Mâconnais.
    Une création qui carillonne au rythme syncopé d’un exquis balancement.
    Pas de tintinnabulantes clochettes, mais deux solides grelots en forme de volants, deux cloches soutenant une festive guirlande, le tout offrant une épatante balançoire suspendue, pour la plus grande joie d’un père Noël tout guilleret. Un papy-lunettes, de rouge déguisé, qui renoue avec des joies enfantines oubliées.
    Plaisirs ancestraux de l’escarpolette [1], de son indolent «mouvement berceur » ou de ses grisantes et riantes accélérations [2]. Ah ! sentir sa longue barbe blanche flotter au vent, sentir que l’on existe dans la plénitude d’une envolée maîtrisée. Décoller, prendre de la hauteur, se grandir, surplomber, basculer pointes de pieds tendues vers les cieux. Jouir de cette élation du corps, de son allégement, multiplier les va-et-vient chaloupés, jusqu’à l’enivrement, puis reprendre pied encore tout tourneboulé, transporté, chamboulé, le cœur en vrac [3].
    La balançoire possède une « dimension vertigineuse », quasi aphrodisiaque. Le crescendo dans la prise d’altitude et les successives plongées dans le vide finissent par donner le tournis et susciter quelques rigolardes frayeurs.
    Au point culminant advient une suspension, un fugace arrêt où l’apprenti trapéziste tutoie les cieux, ses étoiles, son firmament et peut-être ses Dieux. Impression océanique de l’appartenance à une céleste immensité. Fermer les yeux pour être seul au monde, pour s’enivrer de ce moment extatique de domination, de projection vers l’universel.
    Puis partir en arrière, accélérer à rebours, ralentir, presque s’arrêter et repartir de plus belle, en affrontant le vide, en le bravant, en l’aspirant à plein poumons.
    Prendre de l’élan, s’élancer, prendre et reprendre encore et encore de l’élan, pour aller toujours plus haut et, au passage, raser le sol, en « effleurer du pied les corolles parfumées », est jouissif. C’est flirter avec l’extrême, caresser l’abîme, au risque de la chute. Méfiance. Surtout veiller à ne pas se laisser emporter par l’euphorie et se prendre pour le roi (la reine) du monde. Comme l’obstinée et imprudente Eugénie qui bravant l’interdit parental, s’élève « jusqu’à l’extrémité des plus hautes branches [et], enthousiasmée de se voir porter si haut, […] lâcha les bras du fauteuil pour battre des mains, et fut jetée à dix pas sur l’herbe. » [4]

     Si les plus hardi.e.s s'y tiennent debout et si, de nos jours, quelques casse-cous effectuent des tours complets, des soleils, juchés sur des balançoires à tiges rigides (la cascade est irréalisable avec une balançoire à corde, à moins de se balancer à plus 36 km/h) [5], au XIXème siècle les coquettes, attentives au confort de leur séant, la garnissaient d’un « coussin moelleux » ! [6] 
 

Escarpolette - blançoire suspendue -

L'Escarpolette, in Philippe-Louis Debucourt, Modes et Manières, n° 9, 1800
Source : Wikipédia - Consultable Ici


   Les plus téméraires, les risque-tout, cherchant à épater la galerie, s’éjectent de ce propulseur d’un vigoureux coup de rein, pour réaliser une héroïque figure, une aérienne arabesque. Tout lâcher, s’envoler et atterrir en exécutant un saisissant roulé-boulé, ou un « Plouf », tel cet astucieux poisson d'eau douce, dessiné en 1906, par Benjamin Rabier !

Benjamin Rabier - Animaux - Poissons - Balançoire

« La Balançoire », in Benjamin Rabier, Les Animaux en liberté, paris, Librairie Garnier Frères, 1930
Source Gallica-BnF -  Consultable Ici 


    La balançoire (suspendue) est une mise en péril du corps guidée, une prise de risque (en principe) mesurée, calculée, soupesée.
    Mais, à trop tournoyer, on peut partir en vrille, chuter et tomber de haut !
   Le terminus (« tout l’monde descend »), de ce manège pour petits et grands enfants, peut alors se révéler tragi-comique…
 

American illustré. Le Journal à un sou le plus illustré du monde entier, n° 34, 15 février 1903
source : Gallica-BnF - Consultable Ici


    Petite précision :
    L’escarpolette, appelée aujourd’hui « balançoire suspendue », ne doit surtout pas être confondue avec un autre type de balançoire, plus rudimentaire et « cruelle » : la bascule ou trébuchet [7], communément (et à raison) appelée « Tape cul ». Image qui correspond à une cuisante réalité ! Tandis que l’un descend, l’autre monte et, selon l’accélération donnée et la soudaineté de l’arrêt, sursaute. Il bondit, se fait catapulter et se tape le cul ! À moins que sous la violence, il ne soit désarçonné, ne valdingue et s’écrase quelques mètres plus bas. Chaque protagoniste prenant tour à tour sa « vengeance », l'endolorissement des fessiers est garanti, surtout si un simple rondin de bois constitue la rustique balançoire.

    Et pour conclure, ce petit tour pendable, réalisé par Titi et Toto à leur oncle Tom :
 

Jumbo. Hebdomadaire illustré pour enfants, 19 octobre 1935 - Source Gallica-BnF - Consultable Ici

 

[1] Proviendrait de l’italien scarpoletta : petite écharpe…
[2] « Par les beaux jours d’été, sous l’ombrage des chênes, à travers les fleurs de la prairie, les jeunes filles rieuses impriment à l’escarpolette, accrochée aux branches, un mouvement de va-et-vient. Elles se balancent, le visage animé par le plaisir, effleurant de leur pied les corolles parfumées, s’abandonnant tantôt au mouvement berceur, tantôt s’efforçant de l’accentuer. Ce sont alors d’un côté des cris d’émois, des appels, et de l’autre des rires, qui emplissent les ramures d’accents argentins. » (Gaston Vuillier, Plaisirs du Jeux, Paris, J. Rothschild Éditeur, 1900, pp. 147-148.)
[3] « Et, une fois lancée sur l’escarpolette, voilà ma femme qui saisit convulsivement les cordes, qui crie : “Assez ! assez ! la tête me tourne… le cœur me manque !..” et qui tombe dans mes bras, plus morte que vive !.. » (Dumanoir et Lafargue, La Balançoire. Comédie en un acte, mêlée de couplets, Paris, Michel Lévy Frères, 1858, p. 9.
[4] L’Étude et la récréation. Abécédaire des Jeux de l’Enfance , Paris, Ledentu, 1832, p. 55-56.

[5] Voir, l'avis du physicien in : Peut-on faire un tour complet en balançoire ? Vidéo disponible Ici. Et pour ceux qui ont le cœur bien accrochés : Ici ou encore Ici !
[6] Mlle Saint-Sernin, Les Jeux des jeunes demoiselles, Paris, 1820, p. 6.
[7] Le trébuchet était le nom donné à un pièce d’artillerie médiévale. Une catapulte (le plus souvent actionnée par un contrepoids), capable d'expédier des projectiles de 140kg sur les fortifications ennemies.
Un trébuchet désigne également une petite balance de précision utilisée en joaillerie, mais aussi pour vérifier le poids des monnaies (d’où l’expression « payer en espèces sonnantes et trébuchantes »).

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